Cassandra O’Donnell, une autrice engagée

Ce Mardi 15 octobre, l’autrice à succès Cassandra O’Donnell est intervenue au collège Penn ar C’hleuz pour rencontrer 23 élèves de 4e 5 et 15 élèves allophones du dispositif UPE2A soit 38 élèves au total, dans le cadre d’un projet initié par la médiathèque de Lambezellec sur la littérature de l’imaginaire.

Quelle prestation ébouriffante que celle de cette autrice au discours sans fard, qui s’exprime avec une liberté de ton et d’expression qui, de prime abord, surprend puis séduit les collégiens fascinés. Voilà une autrice de choc au charme magnétique, au dynamisme communicatif, à l’écoute de son public qu’elle n’hésite pas à interpeller et à confronter tout en répondant à ses interrogations sur la naissance de sa vocation, sa recherche des idées de scénario, le choix des illustrations ou la difficulté d’écrire et de renouveler ses sources d’inspiration, etc.

Contrairement à ce que son nom de plume laisse imaginer, elle n’est pas d’ascendance britannique. Mais elle incarne trois origines : française, marocaine et hollandaise. Le mélange des origines, le malaise de l’adaptation de l’immigrant confronté au racisme sont des thèmes qu’elle a abordés dans l’un de ses rares romans jeunesse réaliste, « La nouvelle », paru en 2019.

La vie professionnelle de Cassandra O’Donnell reflète également ce mélange d’expériences dont elle a su profiter. D’abord journaliste d’investigation et réalisatrice de documentaires et de reportages pour des émissions de télévision aussi prestigieuses qu’ « Envoyé Spécial », elle se lance dans l’écriture en 2011 en créant la saga d’urban fantasy Rebecca Kean, un bestseller, le premier d’une longue série.

Elle évoque sans fard un succès jamais démenti – elle fait en effet partie du top trois français des meilleures ventes dans les genres fantasy et fantastique, où elle excelle –, lectorats jeunesse et adultes confondus. C’est en tant qu’auteur jeunesse qu’elle se définit, sans faire de hiérarchie de genre, de support ou de technique puisqu’elle écrit aussi bien des scénari de films, de jeux vidéos ou encore des mangas, des BD ou albums. « Seule la qualité prime » assène t-elle.

Son univers littéraire est prégnant d’une violence assumée et donc peu conventionnel. Ses héros et héroïnes sont pour la plupart des tueurs patentés psychopathes ou cannibales qui s’entre-tuent allègrement. Et c’est ce politiquement incorrect qui plaît à son public qui en redemande. Avant sa venue, les collégiens enthousiastes ont lu sa trilogie « Malenfer » (en 2 tomes) pour laquelle elle a obtenu le Prix Imaginales des écoliers en 2015, ainsi que la série : « La légende des 4 » (en 4 tomes) pour laquelle elle a reçu en 2019 le Grand prix des jeunes lecteurs pour Le Clan des loups (tome 1 de la série).

Jamais en panne d’inspiration, ses projets d’écriture sont arrêtés pour les trois prochaines années. Cette touche-à-tout aux multiples talents aime particulièrement relever des défis littéraires en maîtrisant les codes de genres très éloignés de son univers comme la romance historique par exemple.

Ce qui la motive, c’est réussir haut la main un exercice de style en inventant des mondes, en donnant vie à des personnages qui s’étoffent et évoluent au fil du récit, gagnant en profondeur et en complexité face à des situations qui partent en vrille. Les collégiens ont d’ailleurs été invités à s’essayer au travail préparatoire en amont de l’écriture d’un roman, en choisissant un genre, en imaginant un univers, une société, une mythologie et en caractérisant des personnages confrontés à une situation délicate et inédite. À cette occasion elle évoque la notion de « suspension d’incrédulité » : le lecteur est conscient qu’il lit une œuvre de fiction mais en même temps il croit à l’histoire et aux personnages que l’auteur met en scène. « Le film de l’histoire que l’on vit dans sa tête paraît vrai et c’est ce qui rend la lecture magique » remarque t-elle.

Selon elle le non-lecteur est un mythe. « Si vous ne lisez pas, c’est uniquement parce que vous n’avez pas encore ouvert le livre qui sera le déclic ». C’est d’ailleurs son ambition en tant qu’écrivain : écrire le roman qui sera le sésame vers la lecture et… l’écriture. Un lecteur régulier est également un scripteur expert qui maîtrise la syntaxe et le vocabulaire. Mais pas seulement. « Il muscle également son cerveau, argumente Cassandra O’Donnell, en se questionnant, en cherchant des réponses et en s’ouvrant au monde ».

« Si je suis devenue autrice, c’est justement parce que j’ai beaucoup lu », affirme t-elle. Faute d’avoir à sa disposition d’autres moyens de se distraire et de fuir l’ennui de son quotidien d’adolescente, elle est « tombée » dans la lecture précoce d’A. Malraux et d’A. Camus dès douze ans après avoir dévoré les romans d’aventures de R. L. Stevenson ou ceux de Colette. Plus tard elle a éprouvé le besoin de fuir les dures réalités du journalisme comme les théâtres de conflits , d’où le choix d’un genre où l’imaginaire, la mythologie et la magie dominent : la fantasy.

A la question d’un élève allophone qui lui demande si quelqu’un qui n’a pas été scolarisé peut devenir un auteur, elle répond sans ambages : « Si tu sais parler, tu sais raconter des histoires. » L’imagination n’est pas l’apanage de quelques-uns. C’est un pouvoir détenu par tous mais que certains ignorent. Écrire c’est rentrer dans un monde clos, une autre dimension dont elle seule a la clé. Mais qu’elle partage volontiers avec ses lecteurs et surtout le lecteur de demain, celui qui reste à conquérir dans une quête sans cesse renouvelée à chaque nouveau titre. Un challenge qu’elle relève avec brio et un engagement sans faille.

Voir en ligne : Biographie et bibliographie de l’autrice

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